top of page
Rechercher
  • brouvicky

Mon enfant a peur à chaque nouvelle situation

Dernière mise à jour : 29 nov. 2022


Dessin de Blexbolex

C'est un enfant sensible. Probablement hypersensible, quoi que cela puisse revêtir comme signification... C'est un enfant qui se fait très vite submerger par sa colère, sa tristesse, sa joie aussi - ne parlons pas que de la colère, cet enfant sait aussi faire preuve d'un enthousiasme exquis ! Cet enfant a aussi tendance à aborder la nouveauté, l'inconnu avec la peur.


La peur nous est utile (comme toutes nos émotions), elle sert à nous protéger en nous amenant à adopter la posture pertinente face à un danger. Donc il y a du bon dans la peur et toutes les peurs ne sont pas à bannir. Mais il existe des peurs qui n'ont pas (ou plus) d'utilité et elles ne font que nous bloquer. Car pour une raison quelconque, à un moment donné, notre cerveau a enregistré une situation comme dangereuse et il continue à se baser là-dessus face à de nouvelles situations semblables. Si par exemple un chien me mord, ou me fait très très peur, il est probable que je garde une peur des chiens, même si tous les chiens ne sont pas dangereux.


La peur face à l'inconnu est tout à fait naturelle et légitime et nous la vivons tous. Pour faire simple, cette peur s'explique par le perte de contrôle sur la situation, et ne pas contrôler son environnement est anxiogène (donc la contrainte crée de la peur aussi, mais ce n'est pas le sujet). Nous ne sommes, évidemment, pas tous bloqués par cette peur mais il y a des enfants qui peuvent vivre cette peur tellement fort qu'ils sont tentés de renoncer à leurs projets.


Comment réagir en tant que parent face à ces situations ? Faut-il le pousser pour qu'il dépasse sa peur ? Faut-il, au contraire, respecter cette peur et le laisser passer à côté de ce qui lui fait envie par ailleurs ? Car il est bien là problème : l'enfant est dans une impasse émotionnelle car il a envie d'aller à cette fête sans maman, il a envie de faire de la danse, il a envie de participer à ce spectacle, il a envie de partir dormir chez le copain, et en même temps il en a terriblement peur. Comment est-ce qu'on gère ces situations ?


Je vous présente la conduite à tenir en étapes, en partant de l'exemple de l'enfant qui a peur d'aller à la fête, ce sera peut-être plus simple à intégrer. Imaginons un enfant de 5 ans, même si le processus est valable pour tout âge.


1. Dès que l'enfant présente des signes d'angoisse, de refus, de peur, posez-lui clairement la question : "Est-ce que cela te stresse / te fait peur d'aller à cette fête sans moi ?". Il n'est pas certain qu'il dise oui tout de suite, surtout s'il se sent honteux d'en avoir peur.


2. Continuez en lui donnant de l'information "Il est normal de ressentir de la peur lorsque nous nous apprêtons à vivre une nouvelle expérience." A ce stade il est possible qu'il vous dise "je veux que tu viennes avec moi" plus que "je ne veux pas y aller".


3. Et là il est capital de faire apparaitre l'ambiguïté émotionnelle, ainsi que la recherche de solution de la part de l'enfant : "Tu as très envie d'aller à cette fête, tous tes copains y seront, tu veux donner ton cadeau et manger de bonbons. Et en même temps une partie de toi se sent inquiète, est-ce que c'est ça ?". Si vous avez vu juste, vous aller recevoir un "Oui" bien mérité ! "Tu te demandes alors comment tu pourrais faire pour y aller sans avoir peur et tu penses que ça t'aiderait si je venais avec toi, c'est bien ça ?". Deuxième "oui" bien mérité !


4. Normalement la peur de l'enfant doit avoir baissé d'un cran, voire bien plus. Pourquoi ? Eh bien parce qu'il se sent compris et épaulé (sans parler du fait que vous lui avez permis de se comprendre mieux lui-même), il sait qu'il n'aura pas à résoudre ce problème seul. C'est le moment de lui demander ce qui lui fait peur. Cette étape est vraiment importante parce que c'est sur ses réponses précises que nous allons pouvoir l'aider à faire face à sa peur. Mais c'est aussi une étape importante parce qu'elle nous permet à nous parents de nous rendre compte que notre enfant a toujours de bonnes raisons à agir comme il le fait.

"Est-ce que tu veux me dire ce qui te fait peur ?"

"J'ai peur de me perdre. J'ai peur de ne pas aimer le gâteau. J'ai peur que Matthieu me tape. J'ai peur parce que je ne sais pas à quoi ça ressemble là où on va. Je veux que tu restes avec moi."

"Ok, je vois, il y a plusieurs choses qui te stressent, j'admire ta capacité à les identifier ! Est-ce que tu penses que ça t'aiderait si on trouvait une solution pour chacune de ces situations ? "

"Je sais pas. Oui."


5. Décrivez avec autant d'exactitude que possible ce qui va se passer.

"Après le repas nous prendrons la voiture et nous roulerons pendant 10 minutes. Nous arriverons à un lieu ouvert/fermé/parc où il y a des structures en bois/gonflables etc. Il y aura tes amis et aussi des gens que tu ne connais pas. Il y aura les parents de ton copain, il y aura un animateur qui vous prendra en charge, vous ferez tel type d'activités pendant une heure, ensuite vous allez souffler les bougies et ouvrir les cadeaux. Vous mangerez le gâteau et vous jouerez encore un peu. Après je viendrai te chercher. " Le fait de projeter les lieux et ce qui va s'y passer, diminue la sensation d'inconnu et augmente l'impression de contrôle. L'endroit où je me rends et ce qui va s'y passer ne sont plus si inconnus que ça, je sais déjà un peu à quoi m'attendre.


6. Trouvez ensemble des solutions pour les différentes peurs. Laissez l'enfant donner les idées de ce qui pourrait le rassurer et soyez inventive et conciliante. Il est probable que l'enfant réponde "je sais pas" plusieurs fois : "Tu disais avoir peur de te perdre, qu'est-ce qui pourrait t'aider à avoir moins peur?" - "Je sais pas". "Alors voilà ce qu'on va faire : je vais rester au début avec toi, le temps que tu vois comment ça se passe. Quand tu te sentiras à l'aise tu me le diras et moi je pourrai rentrer. On pourra dire aussi aux parents de ton ami de faire très attention à toi, est-ce que ça irait ?" Vous faites la même chose pour les autres peurs de l'enfant.


7. Laissez une porte de sortie. Celle-ci c'est votre dernière carte et il est important de la jouer. Avec tout ce que vous avez déjà mis en place, votre enfant devrait se sentir déjà beaucoup plus détendu et confiant. Maintenant vous ajoutez que si malgré tout il ne sent pas bien, s'il n'aime pas du tout être là, il peut changer d'avis. Cela veut dire que vous irez le chercher plus tôt que prévu, dans cet exemple précis. Cette perspective, l'idée que la décision que je prends maintenant ne m'engage pas de manière ferme et définitive, le fait que j'ai le droit d'expérimenter et de me rétracter, permet à l'enfant de prendre une décision plus sereinement. Vous avez offert à votre enfant de l'empathie, vous avez accueilli ses émotions sans l'en accabler, vous l'avez pris au sérieux, vous lui avez accordé du temps et avez cherché des solutions ensemble. Vous lui avez fait comprendre que pour vous il n'y a pas d'enjeu et que c'est lui qui décide de ce qu'il veut faire. Son stress doit avoir laissé place à la hâte d'y être... Si malgré tout l'enfant n'arrive pas à dépasser sa peur et se sent honteux et déçu de ne pas avoir réussi, vous allez avoir à faire un gros travail d'accueil émotionnel... Vous nommez les émotions encore une fois "Tu te sens déçu de ne pas avoir réussi à dépasser cette peur aujourd'hui, tu as préféré rester à la maison et tu es triste." et... vous ouvrez une fenêtre à l'avenir ! "Aujourd'hui tu avais probablement de très bonnes raisons de décider de rester ici. Ça arrive. Je comprends ta déception, on verra comment on pourra faire la prochaine fois." Parce qu'il est tout à fait possible que l'enfant n'ait pas eu les ressources nécessaires pour faire face. Parce qu'il était trop fatigué. Parce que c'est la première fois et en vrai il n'est pas encore prêt. Parce qu'il a une mauvaise expérience qu'on ne connait pas et dont il n'a pas réussi à parler. Peu importe en fait. Nous aussi parfois on privilégie l'option "confort" plutôt que de se confronter au stress de l'inconnu. Et c'est ok de faire ça, parce que - souvenez-vous - nos peurs sont aussi là pour la nous protéger, même si on ne sait pas toujours de quoi !

bottom of page